Au cœur de la halle du Carreau du Temple, Moovance rencontre la compagnie Soul Soldiers pour mettre en lumière « HUMAIN·E », une création qui bouscule les codes de genre dans les danses urbaines.
Un questionnement collectif sur la féminité
Sous la direction d’Émilie Ferreira Saramago (Lyem), la compagnie basée à Ivry-sur-Seine explore la place des femmes dans l’univers hip-hop. Cette création collective interroge notamment le rapport entre maternité et carrière artistique, jusqu’à intégrer de manière poétique une danseuse enceinte de huit mois dans la chorégraphie.
Déconstruire les codes
À travers un mélange de popping et de waacking, la chorégraphe questionne les influences masculines qui ont façonné sa danse. De son apprentissage à New York à sa réappropriation personnelle des mouvements, elle développe un langage chorégraphique qui transcende les genres pour atteindre une énergie qu’elle qualifie simplement d' »humaine ».
Une solidarité féminine constructive
« HUMAIN·E » n’est pas un manifeste contre la masculinité, mais une invitation à la reconstruction et à la solidarité entre femmes. Cette démarche s’inscrit dans une vision plus large où l’art devient vecteur d’évolution des consciences.
Rencontre avec Émilie Ferreira Saramago
Dans cet entretien, Émilie Ferreira Saramago (Lyem) dévoile les coulisses de « HUMAIN·E », création de la compagnie Soul Soldiers qui questionne la place des femmes dans l’univers du hip-hop. La chorégraphe y évoque son parcours dans le popping, traditionnellement dominé par les hommes, et sa quête d’un langage chorégraphique personnel qui transcende les codes de genre. À travers cette création qui intègre notamment une danseuse enceinte, elle développe un féminisme constructif qui cherche à renforcer la solidarité entre femmes plutôt qu’à opposer les genres.
« Dans le popping, je n’avais que des hommes comme professeurs. On a appris des codes masculins, même vestimentaires. […] L’idée était de me réapproprier ma gestuelle, de danser comme j’en ai envie, avec peut-être des énergies dites « de femmes » ou « d’hommes ». Finalement, c’est juste une énergie humaine, sans être trop codifiée. »
Découvrez l’interview de Lyem
Je m’appelle Émilie Ferreira Saramago, surnom Lyem, et je suis chorégraphe de la compagnie Soul Soldiers. C’est une compagnie basée à Ivry-sur-Seine depuis 2018, dans laquelle j’ai eu plusieurs projets avec plusieurs artistes un peu différents, pluridisciplinaires.
À propos de la compagnie et du projet
Actuellement, je suis sur un projet qui s’appelle HUMAIN·E, où je suis directrice artistique en co-création avec Juliette Desserprit.
HUMAIN·E part d’une envie, d’un besoin de se rencontrer entre femmes. J’ai fait du popping et c’est vrai que c’est mon domaine de prédilection, et c’était vraiment l’envie de se questionner en tant que femme sur le rapport hommes-femmes dans le hip-hop. Ça a été une grosse interrogation, un questionnement collectif avec beaucoup de discussions et d’échanges pendant bien un an pour développer le show.
La genèse du projet
La chorégraphie partait aussi de notre expérience en tant que mères intermittentes : comment on fait face dans le milieu professionnel de la danse et comment, parfois, on peut faire face à des discriminations. Ce n’est pas toujours évident.
On avait aussi l’envie d’intégrer Juliette, enceinte de presque huit mois, de manière poétique dans la chorégraphie. On avait tout ce questionnement par rapport à la maternité, et maintenant qu’elle est enceinte, ça nourrit encore plus le projet.
La déconstruction des codes
Dans le popping, je n’avais que des hommes comme professeurs. On a appris des codes masculins, même vestimentaires. Ces terminologies nous ont influencées dans notre danse. À un moment, je me suis questionnée et je suis partie à New York pour apprendre le voguing et le waacking, parce que je voulais popper, mais pas forcément comme un homme.
L’idée était de me réapproprier ma gestuelle, de danser comme j’en ai envie, avec peut-être des énergies dites « de femmes » ou « d’hommes ». Finalement, c’est juste une énergie humaine, sans être trop codifiée.
L’équipe et la musique
L’équipe s’est constituée naturellement. Juliette a dansé pour une de mes pièces il y a trois ans. Elle connaissait Anna, que j’ai aussi rencontrée lors d’un atelier de Nelson en popping. Christel, c’est une danseuse qu’on a côtoyée dans le monde des battles. On est à la fois danseuses de scène et de battle.
Mon rapport à la musique est très spirituel. Dans le popping, le fait de pulser sur la musique, de se connecter sur le moment, c’est comme si le temps s’arrêtait. Quand on se laisse vraiment aller, c’est là qu’on se dit que c’est cool ce métier, de pouvoir danser sans mots, juste exprimer ce qu’on a à exprimer.
Un féminisme constructif
C’est une forme de féminisme, mais pas du tout dans l’opposition. Au contraire, j’ai une autre pièce, « Quantum Ocean », avec deux breakers hommes. L’idée de ce projet entre femmes, c’est qu’il y a besoin d’une forme de reconstruction en tant que femme, de se solidariser, mais pas contre les hommes. C’est plus entre nous, pour trouver notre force et mieux appréhender ensuite tout le monde.