Pour sa soirée d’ouverture, le Festival Karavel a offert une carte blanche exceptionnelle à trois figures majeures du krump : Grichka Caruge, Nach et Jekyde. Moovance a suivi les coulisses de cet événement unique au Théâtre des Célestins de Lyon, capturant en trois épisodes l’essence de cette danse explosive et son pouvoir fédérateur.
Le krump : une danse née de la résistance
Né dans les ghettos californiens en réponse aux violences policières envers la communauté noire et aux tensions urbaines, le krump s’est imposé comme une alternative pacifique aux conflits. Cette danse, caractérisée par son intensité et son expressivité brute, puise sa force dans l’authenticité de ses interprètes. La « hype », ces encouragements constants des autres danseurs, crée une atmosphère unique de soutien et d’émulation. La musique krump, créée par les danseurs eux-mêmes, se distingue par ses rythmiques répétitives et puissantes, ses « grosses caisses » et son caractère brut, parfois volontairement non masterisé, qui reflète l’énergie pure de cette danse.
Épisode 1 : Grichka Caruge, le krump en héritage
Dans ce premier volet, Grichka Caruge dévoile sa vision du krump et sa place légitime au théâtre. Le chorégraphe explore le dialogue fascinant entre cette danse urbaine et la musique classique, notamment à travers sa pièce « Birth ». « Le krump, ça part de l’intérieur, mais ça explose aussi vers l’extérieur », explique-t-il, soulignant la dimension cathartique de cette danse. Pour cette carte blanche, il propose plusieurs formats : un show pédagogique baptisé « Alpha Krump », une exposition photo signée Nach, et des extraits de sa pièce « Birth ». Sa vision : utiliser le krump comme vecteur d’une énergie positive et rassembleuse, particulièrement pertinente dans le contexte actuel. « On arrive et pam, on explose tout ! », résume-t-il avec enthousiasme.
Épisode 2 : Les amateurs entrent dans la danse
Le deuxième épisode met en lumière l’initiative portée par Jekyde et le pionnier lyonnais Gaël Saint-Aimé (aka Marvelous). Une vingtaine de danseurs amateurs, sélectionnés lors d’une audition, ont vécu une semaine intensive de création. Certains découvraient le krump pour la première fois, d’autres pratiquaient déjà, mais tous ont été transformés par cette expérience. « C’est une expérience unique », témoigne un participant, « ultra bienveillante et en même temps ultra violente ». Le projet culminé par une performance sur le parvis des Célestins, symbole fort de l’accessibilité de cette danse à tous les publics.
Épisode 3 : Jekyde, la voix des femmes dans le krump
Le dernier volet plonge dans l’univers de Jekyde, danseuse et chorégraphe aux quinze ans d’expérience. À travers son solo « Vox », elle explore la multiplicité des voix intérieures qui la constituent, en écho à son nom de scène inspiré du Dr Jekyll et Mr Hyde. Figure féminine emblématique du krump, elle évoque l’histoire des femmes dans cette discipline, de Miss Prissy, pionnière du mouvement, jusqu’à aujourd’hui. Son projet « Lioness buckness », créé en 2018, vise à encourager la participation féminine dans le krump. Bien que statistiquement moins nombreuses dans les battles (souvent 60 femmes pour 150 hommes), les femmes ont toujours fait partie intégrante de cette culture, apportant leur propre sensibilité et leur propre approche du mouvement.
Cette carte blanche révèle toutes les facettes du krump : son intensité physique, sa dimension sociale et sa capacité à transcender les frontières entre danse urbaine et scène théâtrale. Une démonstration puissante que Moovance a capturée dans sa dimension la plus authentique.