Sur le plateau brut de Césure, Nicolas Huchard transpose l’essence de sa création « La Diva aux pieds nus » dans un format vidéo unique. Cette création en plan séquence, réalisée par Morgan Eloy sur une composition originale de Leon Afterbeat et produit par moovance, offre un nouveau regard sur cette célébration de la force féminine.
Une création qui traverse les murs
Si le spectacle original intègre un travail de projections lumineuses avec Danny Olivier, cette version filmée se concentre sur la pure chorégraphie. Dans l’espace industriel de l’ancien campus Censier, les cinq interprètes déploient leur danse, portées par une musique composée sur mesure pour le projet par Leon Afterbeat, inspiré par l’univers du spectacle.
La puissance du plan séquence
Le choix du plan séquence, sans coupure ni montage, souligne la continuité du mouvement et la force collective des danseuses. La caméra devient une sixième interprète, circulant entre les corps pour capturer l’énergie brute de la performance. Une réelle chorégraphie s’est alors créée entre la caméra et les danseuses.
L’espace comme partenaire
Le Grand Plateau de Césure – lieu porté par Plateau Urbain – avec ses 1000m² d’espace brut, devient plus qu’un simple décor. Sa structure industrielle et son histoire académique créent un contraste saisissant avec la spiritualité et la fluidité de la danse, ajoutant une nouvelle dimension à l’œuvre originale.
Rencontre avec Nicolas Huchard
En parallèle de cette création filmée, Moovance s’est entretenu avec Nicolas Huchard pour comprendre sa vision de la danse et sa démarche créative. De son refus des étiquettes à son inspiration puisée dans le surréalisme, en passant par son anecdote avec Madonna, le chorégraphe se livre sur son parcours et sa philosophie.
« Je pense que le monde a besoin de voir des femmes comme ça, on a besoin de voir des femmes aussi belles. Belles par ce qu’elles représentent, belles parce qu’elles sont talentueuses et parce qu’elles ont des choses à dire. »
Découvrez l’interview de Nicolas Huchard
Alors, moi c’est Nicolas Huchard je suis danseur-chorégraphe. Je suis originaire de Paris et sa région. Mon style de danse, j’aime ne pas être défini dans un style de danse. J’aime que les les gens galèrent un petit peu à me définir. J’aime galérer un petit peu à me définir. J’ai pas envie d’être mis dans une case, j’ai pas envie de me placer quelque part. J’ai envie de créer un sentiment de… De confusion. Je trouve que ça me définit un peu. Je pense que je suis un peu confus de temps en temps et ça me plaît d’être comme ça.
Que représente la danse pour toi ?
La danse, je vais essayer de pas être cliché. La danse pour moi c’est… C’est difficile de pas être cliché avec cette question-là. C’est vraiment… C’est un médium pour militer. Je m’en sers pour militer. Je m’en sers pour réveiller des consciences. Je m’en sers pour me faire du bien. Je m’en sers pour faire du bien aussi. Je pense que c’est un moyen thérapeutique pour aider plein de personnes à aller mieux, à découvrir leur personnalité. Je pense que ça m’a beaucoup aidé à trouver ma personnalité ou du moins à la chercher encore. J’ai envie de chercher encore et encore. Et j’ai pas envie de me trouver en fait.
Quelles sont tes inspirations ?
Je suis très inspiré par le surréalisme. J’aime beaucoup ce qui est… Ce qui fait perdre des repères en termes de genre. J’aime pas me placer en tant que masculin complet, en tant que féminin complet. J’aime bien le mélange des deux. C’est quelque chose qui m’inspire beaucoup. Dans ça je trouve pas mal d’inspiration. J’aime beaucoup Grace Jones parce que c’est une femme qui m’a beaucoup inspiré quand j’étais jeune parce que j’avais l’impression de ne pas voir, de ne pas avoir de modèle masculin qui me représentait auquel je pouvais m’identifier et Grace Jones avait un peu ces deux-là. C’était un peu une femme et un peu un homme en même temps. C’est quelqu’un qui m’a beaucoup inspiré donc j’ai l’impression qu’elle est omniprésente dans mes créations.
Que ressens-tu lorsque tu danses ?
Ce que je ressens quand je crée, ce que j’essaie de ressentir en tout cas quand je crée, j’essaie de m’amuser tout le temps. Je pense que c’est une façon pour moi de m’exprimer assez simplement et facilement et de façon spontanée. Donc l’amusement. J’arrive à trouver des façons de créer en m’amusant.
Ce que je ressens quand je danse, alors ouais… Un grand sentiment de liberté. J’ai mal. Je pense que c’est important des fois d’avoir mal quand on danse pour sentir certains mouvements et vraiment être dedans. J’essaie de dépasser mes limites, d’aller toujours plus loin donc forcément ça fait un petit peu mal de temps en temps. Mais pas que ! Ça fait aussi du bien. C’est vraiment un sentiment de, j’ai l’impression des fois quand je danse, j’ai l’impression d’entrer dans un manège, dans un espèce de roller coaster et que c’est plus moi qui guide. Je suis guidé par le mouvement et je vais envoyer un mouvement qui va me faire perdre l’équilibre et de cette perte d’équilibre ça peut envoyer quelque chose d’autre.
Donc c’est toujours une découverte. Je découvre en fait. Je découvre mon propre mouvement, mon propre corps quand je danse.
Comment donnes-tu envie de danser ?
Il y a différentes façons de donner envie aux gens de danser. Donner confiance à une personne, je pense que déjà… Le fait de danser c’est un peu se mettre à nu devant les gens et c’est ce qui fait peur en général. Donc pour donner envie aux gens de danser, j’ai l’impression qu’il faut un peu les mettre en confiance, il faut un peu ambiancer. Il faut être pédagogue et montrer le chemin d’une façon assez claire j’ai l’impression. Et toujours la bienveillance en fait. Je pense que la bienveillance et le mot clé pour transmettre quelque chose, surtout une envie de danser qui est quelque chose d’assez viscéral en fait.
Donc je pense qu’il faut être enveloppé de bienveillance et après ça glisse.
Ton parcours, il ressemble à quoi ?
J’ai l’impression que j’ai commencé à danser depuis toujours parce que je suis issu d’une famille où on communique beaucoup par le mouvement, par la danse. On se réunissait en famille pour danser.
On prenait la caméra et on se filmait, on dansait. Je pense qu’il y a plein de familles qui font des balades en forêt, qui vont faire du cheval, qui vont faire autre chose. Nous on se rejoignait pour danser. Ça a toujours été un moyen de communication très fort chez nous.
Ensuite j’ai fait du karaté, ce qui s’apparente énormément à la danse. Parce qu’on fait des katas et on envoi des intentions très fortes dans le mouvement, des mouvements très précis et ça aussi ça caractérise
un petit peu ma danse, beaucoup maintenant.
À l’adolescence, je savais pas trop. J’avais un petit peu honte d’avouer à tout le monde, enfin mon entourage était très football et autour de tous ces footeux, dire qu’on avait envie de danser ça faisait un petit peu tache. Et à un certain âge on n’a pas envie d’être différent donc je le taisais un petit peu.
Et à 17 ans, je me suis dit que j’avais envie d’apprendre vraiment
et j’avais envie de partager aussi ma passion avec d’autres personnes qui me comprenaient et qui avaient les mêmes envies que moi donc j’ai décidé de commencer à prendre des cours et c’est là que j’ai commencé à… À être dans le bain on va dire et à comprendre que c’était possible de de s’exprimer avec avec le corps, avec la danse et même d’en faire son métier.
J’ai commencé à prendre des cours, j’ai rencontré Zack Reece qui m’a un petit peu pris sous son aile à une certaine époque. Je prenais aussi des cours de William Le Valant. J’ai aussi pas mal travaillé avec Marion Motin. Mon premier job m’a été donné par un duo qui s’appelle « I Could Never Be A Dancer » qui ont été très inspirants aussi dans leur façon de voir la danse et de réfléchir. C’est des personnes qui… Sans eux, j’aurais pas eu accès à certaines choses. Donc ils m’ont beaucoup beaucoup apporté et j’en suis très fier aujourd’hui. Je tiens à les remercier aujourd’hui devant les caméras de moovance, merci beaucoup.
Quand je parlais de mon enfance, il y a bien entendu la télé et les clips qui ont jouer un gros (x5) gros rôle dans mon éducation de mouvement et mon oeil artistique, ça l’a beaucoup aiguisé. J’ai énormément regardé les clips de Michael Jackson, j’adorais Prince aussi. Il y avait toujours ce côté, espèce d’être humain pas humain. On n’arrive pas à bien à savoir les décrire, on sait pas s’ils sont… On a du mal à décrire leurs influences avec leurs talent, avec leur… Ils ont des talonnettes comme ça, des pantalons et des slips par dessus des pantalons avec des looks incroyables. Ça m’a toujours fasciné. Je me suis dit « waouh, ils ont des couilles quand même pour assumer ce style-là. ». Et ouais, ça m’a toujours porté donc les clips,
ça a toujours été quelque chose que j’avais… j’ai toujours eu envie d’entrer dans la télé, participer à un clip et pourquoi pas en créer et pourquoi pas créer ou aider à créer la chorégraphie d’un clip.
J’ai commencé par travail avec des artistes, des chanteurs. Ça m’a beaucoup plu, j’ai travaillé avec différents artistes qui avaient différents univers qui m’ont beaucoup instruit. Et de fil en aiguille je suis amené à créer mes propres chorégraphies, mon propre spectacle. J’ai l’impression d’encore découvrir ce que c’est. Pour moi c’est pas… J’ai pas fini de découvrir donc c’est une question un peu prématurée pour moi.
J’aimerais bien qu’on se revoit dans peut-être 10 ans, 15 ans et là je pourrais peut-être te répondre et avoir une réponse un peu plus claire mais là je suis vraiment encore dedans. C’est encore très frais pour moi. J’ai l’impression que je fais en sorte de découvrir à chaque fois tout ce que je fais et d’explorer au jour le jour et vraiment pour moi c’est encore très nouveau ça. Donc, to be continued.
Quels sont tes projets actuels ?
Mes projets donc là, bien évidemment la création la Diva aux pieds nus interprétée par 5 interprètes féminines qui parlent de leur vie en fait, qui échangent. C’est un échange entre ces femmes qui discute de ce qu’elles sont. Je trouve qu’on ne les a pas assez vu, on ne les voit pas assez. Je pense que le monde a besoin de voir des femmes comme ça, on a besoin de voir des femmes aussi belles. Belles par ce qu’elles représentent, belles parce qu’elles sont talentueuses et parce qu’elles ont des choses à dire.
Le propos c’est aussi et surtout de voir et de comprendre comment est-ce qu’on peut exister dans un groupe en gardant son identité et en développant sa propre identité dans un groupe. Dans la création La Diva aux pieds nus et même en général dans notre façon de travailler, les interprètes ont leur mot à dire tout le temps. Il faut qu’elles aient leur mot à dire tout le temps. Je pense que c’est primordial, c’est la chose que je mets le plus en valeur. Leur vécu, leur vision, leur danse, leur gestuelle, leur corps, leurs différences. Ce sont des choses qui sont importantes en fait. C’est ce qui fait le spectacle. Et c’est ce qui fait notre connexion et leur connexion entre elles. Elles sont toutes différentes, elles le savent, elles savent qu’elles ont toutes quelque chose à apporter et leur pierre à l’édifice à apporter au projet et je les pousse toujours dans cette direction là.
Dans ce spectacle je suis en collaboration avec un artiste visuel qui s’appelle Danny Olivier. C’est un photographe à la base qui crée des lumières statiques pour du contenu visuel soit photos ou très courtes vidéos. On est entré en résidence quelques temps pour essayer de voir comment est-ce qu’on pouvait donner vie à ces projection sur le corps.
Ce que les lumières apportent à mon spectacle c’est que je suis un fan de science-fiction, j’adore perdre mes repères et regarder quelque chose et être me regarder et me dire « waouh c’est bien réel ce que je vois ? » J’adore les illusions d’optiques et faire perdre les repères justement au spectateur. Voilà ce que ça apporte.
En plus de ça, je pense que je ne l’ai pas précisé mais les cinq interprètes ont toutes des origines africaines. Et il faut savoir qu’en Afrique la danse a une dimension spirituelle et c’est la dimension spirituelle que j’avais envie de mettre en avant. Donc ce côté de, cette liaison entre le vivant et l’au-delà et des choses impalpables un peu ésotérique que… que la culture africaine héberge.
Ton rituel secret ?
J’ai un rituel mais il est pas secret. Je brûle un bâton de bois de santal, ça sent bon. Ça met une atmosphère. Ça aide un petit peu le créateur lumière parce que ça met un petit peu de fumée. Et voilà mon petit rituel.
Ton anecdote WTF ?
J’ai une anecdote à vous raconter. J’ai fait tomber Madonna sur scène pendant un concert !
On dansait une chorégraphie où on est à deux en couple.
À un moment elle doit tourner, je dois l’attraper par le bras sauf que ce jour là j’ai dû mettre un petit peu trop de crème hydratante sur ma main et en fait ça a glissé et je l’ai vu tomber au ralenti vraiment comme dans un film genre. Et là je me dis « Non ! Elle tombe pas ! » et là je la vois par terre.
Voilà. J’ai fait tomber Madonna.
Ou en fait elle est tombée et je l’ai pas rattrapée, c’est plutôt ça. Parce que c’est pas de ma faute. Après elle m’a dit « Je sais pas ce qui s’est passé, je suis tombée. » – J’ai dit « Ouf, ok c’est pas moi ! ».
Ta punchline ?
« Let’s go ! Let’s go ! »
Tu peux pas dire [geste du bras] et tu peux pas dire « let’s go ».
Tu dois dire « let’s go ! ».
Ça motive, ça ambiance c’est un des mantras que j’utilise pour motiver
les gens du coup. J’en ai pas parlé juste avant mais « Let’s go ! »
La danse change-t-elle le monde ?
La danse change le monde oui. Je pense que la danse change le monde. Et je pense que le monde change la danse aussi. C’est très intéressant parce que le monde et les sociétés, la façon dont les gens se ressentent, les gens vont bien, les gens ne vont pas bien est étroitement liée avec la façon dont les chorégraphes expriment leur art j’ai l’impression.
J’ai aussi l’impression que les chorégraphes, moi y compris, je m’inspire énormément de ce que le monde nous envoie. Donc j’ai l’impression qu’il y a une espèce de communication un peu miroir. Ça nous envoie, on renvoie et ensuite il y a un espèce d’écho permanent donc la danse est en permanence influencée par le monde.
Donc oui la danse est partout en fait finalement, la danse est même quand on ne danse pas.
Que dirais-tu à ton « toi » d’il y a 10 ans ?
Je lui dirais « ne change rien » parce que je pense être fier de ce que j’ai accompli être fier de tous les gens que j’ai amené avec moi, de tous les gens que j’ai vu grandir. Aussi fier de tous les gens qui m’ont inspiré.
Donc je lui dirais « change rien » parce que… Il n’y a rien à changer en fait. Il faut juste être toi encore plus profondément et tout ira bien.
Ton remède anti-coup de mou ?
Pour moi, avancer ça se fait avec des gens.
Ça se fait avec des gens à qui j’inculque certaines choses, que j’instruis sur certaines choses et vice versa avec des gens qui m’instruisent aussi sur certaines choses et donc ça se fait ensemble. Je ne suis pas quelqu’un de solitaire, je viens d’une famille nombreuse. Quand on vient d’une famille nombreuse on a une certaine habitude à être entouré donc pour moi avancer dans la vie et être entouré c’est… Ça me fait du bien en fait, ça me permet d’occuper un rôle dans un groupe. Je pense que c’est aussi important pour moi d’occuper mon rôle dans un groupe donc avancer avec des gens pour bosser c’est important.
Un petit mot pour la fin ?
J’aimerais bien remercier moovance, gros fayot !
Je remercie moovance je trouve que c’est très, très… J’adore ce que vous faites, j’adore le contenu, j’adore le respect que vous portez aux artistes et la liberté que vous leur offrez et la visibilité surtout donc merci moovance.